Iguski, le soleil de l'élevage "Sautonne"
Alors que l’émotion de Matthieu Abrivard était sensible sitôt après la victoire d’Iguski Sautonne dans le Prix de l’Atlantique (Groupe 1) samedi à Enghien, elle était toujours aussi communicative deux heures et demie après la course dans la voix de Marielle Touillet, son éleveuse-propriétaire avec son frère, Jacques, sous l’entité Écurie Sautonne, qu’ils ont créée pour prolonger l’œuvre de leur père, Édouard, l'initiateur de ce label dont les origines se situent dans le nord du département de la Vienne.
La première victoire dans un Groupe 1 du label "Sautonne" est arrivée par surprise. Mais elle n'en est pas moins un soleil - signification d'ailleurs en langue basque du mot "iguzki" dont est tiré le nom du héros inattendu du Prix de l'Atlantique 2025 - pour Marielle et Jacques Touillet, les éleveurs-propriétaire d'Iguski Sautonne (Village Mystic) via l'Écurie de Sautonne. "C’est une très grande émotion… J’étais devant ma télévision pour regarder la course. Mon frère était également resté chez lui. Avec tous les cracks qu’il y avait, on se disait que terminer quatrième ou cinquième ne serait déjà pas mal. On n'envisageait pas un tel résultat, ce qui explique sûrement pourquoi on a été plus impressionnés que si on s’était attendus à cette victoire, nous a confié en fin d'après-midi samedi Marielle Touillet. C’est notre première victoire de Groupe 1 et face à des chevaux de Prix d’Amérique et d’Elitloppet ! C'est impressionnant. J’en ai pleuré tellement j’étais émue."
On n'envisageait pas un tel résultat, ce qui explique sûrement pourquoi on a été plus impressionnés que si on s’était attendus à cette victoire. (Marielle Touillet)
Frère et sœur ont évidemment eu une pensée pour leur père, Édouard, à l'origine du label. Passionné par les chevaux et les courses, ce dernier a monté son élevage avec un centre d'entraînement dédié au lieu-dit "Sautonne" sur la commune de Martaizé dans la Vienne.
"Le métier de notre père était ailleurs que dans les chevaux, mais la passion était là et il nous l’a transmise", disait Marielle Touillet dans les colonnes de
Province Courses l'Hebdo dans un épisode d'"Histoire de Champion(s)" l'automne dernier. Édouard Touillet avait aussi goûté au plus haut niveau avec
Urane Sautonne. Entraîné par Bernard Desmontils après un début de carrière "à domicile" avec son entraîneur Jean-Claude Maucourt, ce fils de
Jorky termina deuxième du Prix René Ballière en 1992, six mois avant de participer au Prix d'Amérique dans lequel il fut disqualifié.
Une succession avec une organisation différente
Si Marielle et Jacques Touillet ont aussi fait leur carrière professionnelle en dehors des courses, ils ont décidé de marcher dans les pas de leur père au moment de sa disparition.
"On a hésité à poursuivre l’élevage car ce sont des investissements importants, raconte Marielle Touillet.
On s’est finalement dit qu’on allait tenter notre chance. C’était aussi une façon de rendre hommage à ce qu’il avait entrepris." Ils ont toutefois décider d'une nouvelle organisation, autant pour l'élevage que pour l'entraînement.
Prolonger l'élevage créé par notre père est une façon de lui rendre hommage. (Marielle Touillet)
La dizaine de poulinières de l'Écurie de Sautonne est stationnée depuis quelque temps dans le Maine-et-Loire chez Christian Aubin (élevage des Loyaux).
"C’est quelqu’un de très sérieux, qui prend bien soin des chevaux, ce qui est évidemment très important à nos yeux car nous avons un profond respect de l'animal. Les chevaux méritent qu’on leur apporte la plus grande attention, poursuit-elle.
Autrefois, à la maison, il y avait l’élevage et l’entraînement avec une même équipe qui devait tout faire. Mais c’était difficile de tout bien faire. On a donc décidé de placer nos poulinières dans une structure dédiée." Il en est de même pour l'entraînement, puisqu'ils collaborent avec les écuries de Matthieu Abrivard, Marc Sassier et Michel Charlot, exploitant leurs chevaux sous leurs couleurs ou les louant comme pour "
Iguski", étant peu vendeurs. L'essentiel de l'effectif est confié au premier.
"Matthieu (Abrivard) a la même démarche que nous, à savoir qu'il respecte toujours ses chevaux. C'est d'ailleurs l’une de ses grandes qualités", apprécie l'éleveuse-propriétaire.
Joies et malheurs de l'élevage
La victoire d'
Iguski Sautonne samedi vient valider la démarche de Marielle et Jacques Touillet qui ont aussi connu de grandes satisfactions avec
Diego Sautonne (
Look de Star), dont les gains ont dépassé les 337.000 €, et
Haida Sautonne (
Magnificent Rodney), la sœur aînée du héros de l'Atlantique, double gagnante déjà cette année à Vincennes.
"On élève pour vivre de tels moments comme aujourd'hui (lire samedi), mais ce n’est pas simple tous les jours", nuance Marielle Touillet.
Preuve en est, ce premier titre dans un Groupe 1, alors qu'
Iguski Sautonne effectue sa première saison de monte au Haras du Rocher, intervient plusieurs semaines après que sa mère,
Sara Sautonne (Juliano Star), gagnante de son unique course à 3 ans sur l'herbe de l'hippodrome de La Roche-Posay avec Matthieu Abrivard déjà, a perdu la vie en donnant naissance à une propre soeur du désormais vainqueur de Groupe 1.
"Elle a malheureusement été victime d’une hémorragie à laquelle elle n’a pas survécu. C’est vous dire si l’élevage est difficile et que l’on passe par toutes les émotions", confie notre interlocutrice.
C’est pour cela qu’on a appelé la pouliche Perpétue Sautonne qui ressemble d'ailleurs beaucoup à son frère." C'est dire si elle doit attirer l'œil, tant son frère est une "peinture" comme il est décrit très souvent.
"En plus d’être bon, c’est un très beau cheval, avec des tissus exceptionnels, ce qui lui a valu de gagner le concours de modèle l’an dernier. On regarde tous nos chevaux avec les yeux de l’amour, mais ce jour-là on m’a dit qu’il sortait du lot, rapporte l'éleveuse.
Poulain, il était déjà très beau. Personnellement, j’aime bien les chevaux avec cette robe noir pangaré. Je suis servie avec lui. Urane Sautonne avait aussi cette robe." Plus que jamais,
Iguski Sautonne est bien le digne successeur de l'élevage "Sautonne".
Et l'Elitloppet alors ?
À la question de savoir quelle serait la tendance si Iguski Sautonne venait à recevoir une invitation pour participer au prochain Elitloppet, Marielle Touillet répond : "Cela mérite réflexion. Disputer deux courses dans une après-midi n’est pas rien. Est-ce qu’il en sera capable ? De toutes façons, c’est Matthieu (Abrivard) qui décidera, mais le premier aspect est toujours le respect du cheval".
© J.-C. BriensMarielle Touillet à droite après une victoire