Clare Kelly (Ecurie Foxglen)
À l'approche des ventes de yearlings qui s’enchaîneront à l’initiative des différents organisateurs des ventes publiques, nous vous proposons de rencontrer quelques-uns des préparateurs et présentateurs les plus présents du marché. S'ils opèrent sur le même secteur, ils proposent souvent des approches différentes d’un métier à facettes multiples. Nous terminons cette série avec Clare Kelly (Ecurie Foxglen).
Le septième et dernier épisode de cette série consacrée aux préparateurs a un accent britannique. Née en Angleterre, Clare Kelly vit en France depuis de très nombreuses années et est installée à La Cochère, à côté de Nonant-le-Pin, où elle partage sa vie avec l'entraîneur de trotteurs Cyril Godard. Depuis sa plus tendre enfance, elle côtoie au quotidien les chevaux. "À 3 ans, je faisais le tour des herbages avec mon papa. Je pense que mon œil a commencé à s’exercer à ce moment-là", raconte-t-elle. Après une expérience dans les chevaux de selle, Clare Kelly s'est lancée dans la préparation des yearlings au trot sans penser que cette activité se développerait autant : "J’ai commencé car j’adore mettre les chevaux dans leur robe de mariée. Je l’ai fait pour deux ou trois clients au début et ça s’est très bien passé. Mais je ne me serais jamais attendu à avoir un jour 30 yearlings à Deauville".
Fiche d’identité de l'Ecurie Foxglen
■ Début d’activité : 2016
■ Nombre de yearlings présentés : 28 à Deauville dont trois à la vente de yearlings étrangers et 20 à Caen
■ Nombre de visites d’inspection (estimation) et façon de gérer : on a de plus en plus de visites. Elles ont commencé de bonne heure. L’an dernier, on en a eu une quinzaine et j’espère en avoir autant cette année. Elles se font les après-midis de façon à ce que le travail des yearlings soit fait le matin.
■ Mode de facturation : il y a un tarif de pension à la journée et je prends 2 % à partir d'une vente à 20.000 €. Par ailleurs, il y a un forfait pour la journée de vente.
24h au trot.- Quelle définition pouvez-vous donner de votre activité/métier ?
Clare Kelly.- Pendant deux mois très intenses, on fait office de coach personnel. Sauf qu’il y a 28 yearlings à préparer pour Deauville et 20 pour Caen. Il faut donc avoir l’œil sur chacun et en même temps les regarder tous individuellement. La préparation est adaptée à chaque yearling, que ce soit le travail ou l’alimentation. Certains supportent beaucoup mieux le travail que d’autres. Certains ont besoin de plus de protéines ou de vitamines dans leur alimentation. C’est pourquoi je ne veux pas prendre plus de 30 yearlings par vente pour ce travail personnalisé. Surtout qu’il faut les juger assez vite, car deux mois c’est très court pour ce travail.
Comment abordez-vous cette nouvelle année de ventes. Dans quel état d’esprit général ?
L’esprit est plutôt positif pour ce qui concerne mon lot de yearlings. Avant le début de la préparation, je ne me voyais pas si bien équipée que cela. Finalement, je trouve que l’on a un joli lot, avec certains yearlings très beaux physiquement, sans nécessairement de très grandes origines. Je ne sélectionne pas les yearlings. Les clients fidèles ont toujours leur place à la maison. Ensuite, ce sont les premiers venus, les premiers servis et, quand j’arrive au nombre maximum, c’est terminé. Plus généralement, je ressens un peu d’appréhension chez les éleveurs-vendeurs vu le contexte de la filière. Mais Les ventes sont toujours aléatoires, que le contexte soit positif ou non. C’est pourquoi il est difficile à mon sens de savoir en amont comment cela va se passer.
Comment a évolué votre portefeuille de clients (éleveurs/vendeurs) ces dernières années ?
Dans ma clientèle, j’ai beaucoup de "petits" éleveurs au sens où ils n’ont pas beaucoup de poulinières et donc pas beaucoup de naissances tous les ans. Cette année, aux côtés d’un noyau de clients fidèles depuis quatre ou cinq ans, dont certains peuvent ne pas avoir de yearlings une année pour des raisons diverses, j’en ai de nouveaux comme l’élevage "Bourbon". Je suis de plus en plus sollicitée. Cette année, j’ai dû refuser une douzaine de yearlings. J’ai une équipe autour de moi, mais je suis seule à gérer la structure. Je suis H 24 dans la cour, sans compter le travail administratif. Il faut savoir se donner des limites pour continuer à faire du bon travail.
Les attentes du marché (du côté des vendeurs et du côté des acheteurs) ont-elles évolué récemment ? Si oui qu’avez-vous modifié dans vos pratiques ?
J’ai l’impression que les acheteurs, sans que cela soit une critique, sont de plus en plus exigeants sur la qualité des yearlings qu’ils sont susceptibles d’acheter. C’est d’ailleurs pourquoi je préconise à tous mes clients vendeurs de présenter des dossiers vétérinaires.
Selon vous, on ne peut donc pas faire sans ces dossiers et la vidéo aujourd’hui ?
Je pense que non. Les dossiers vétérinaires sont devenus indispensables. Je pense que l’on pénalise les chevaux qui n’en ont pas. C’est aussi une façon de protéger tout le monde. Pour les vendeurs, cela leur permet éventuellement d’adapter le tarif. Pour les acheteurs, ils savent ce qu’ils achètent. C’est une façon d’être transparent, ce qui est très important. Après, il faut comprendre que c’est un budget conséquent pour les éleveurs, surtout que l’on fait un premier dépistage en début d’année et que les radios pour les ventes doivent être faites vingt jours avant la date de la vente. Mais j’estime que l’on est gagnant à le faire. La vidéo et les photos sont aussi indispensables. Personnellement, je pense qu’il est bon de se déplacer pour voir les yearlings, mais les vidéos et photos permettent d’avoir une première vue et un premier avis. Les journées de prises de vue sont d’ailleurs des journées importantes, qui génèrent à la fois beaucoup de travail et de stress.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune éleveur qui se lance avec le projet de vendre sa production ?
De suivre la mode en ce qui concerne les étalons car il est difficile d’aller contre la mode quand on veut vendre sa production sur un ring, même si on ne sait jamais avec les jeunes étalons. Pour qu’un yearling tire son épingle du jeu s’il n’est pas issu d’un étalon à la mode, il faut vraiment qu’il sorte du lot physiquement. Et puis surtout je conseillerai d’avoir des mères correctes car elles sont à mon sens 90 % du futur yearling.
Quels indicateurs vous permettront de dire que vos ventes ont été réussies ?
Si mes clients seront contents de leur vente. C’est vraiment ce qui compte. Si on revient avec 50 % de vendus, on est un peu déçus. J’estime que si l’on parvient à 70 % de vendus, c’est très bien.
© P. Lefaucheux/PC